LA JARRE FÊLÉE

Une bouteille à la mer

Il y a de ces moments où on a besoin de réponse. Il y a de ces moments où on a besoin d’une oreille qui ne nous soit pas familière limite inconnue. Il y a de ces moments où tellement on a besoin de réponses qu’on en glane de partout. Ce jour de décembre 2010, j’étais dans cet état. Je l’étais depuis quelques mois déjà, après que la phase de déni m’est passée.

Alors j’ai lancé comme une bouteille à la mer dans un forum. Il s’appelait Guillaume Le Grand, et comme un grand il m’a réconforté. En gros mon message disait ceci : « je suis une ado, j’ai fait un accident le 20 aout. J’ai une vertèbre compressée et je suis en fauteuil roulant. Ça commence vraiment à m’inquiéter… Je ne sais pas quand ni si je remarcherais. J’ai peur, je suis brisée, je me sens inutile. ».

Une histoire comme réponse : La jarre cassée

Et le lendemain je trouvais un lien en guise de réponsehttp://eturama.com/histoires/la-jarre-cassee-et-le-porteur-d-eau-522. Je l’ai suivi et il m’a mené à un conte intitulé « la Jarre cassée et le porteur d’eau ».

Il était une fois : un porteur d’eau allait au loin puiser de l’eau à l’aide de deux jarres accrochées aux extrémités d’un bâton qu’il portait sur ses épaules : une jarre parfaite et une jarre cassée. La jarre parfaite était fière d’elle et la jarre cassée avait honte de son imperfection, car, son contenu se versait de moitié chemin faisant. Au bout de deux ans, elle se sentait toujours déprimée et le porteur d’eau lui demanda de regarder les fleurs magnifiques au bord du chemin. La jarre se sentait toujours aussi mal, au retour le porteur d’eau lui dit « Tu t’es rendu compte qu’il n’y a que de belles fleurs de ton côté et presque aucune du côté de la jarre parfaite ? C’est parce que j’ai toujours su que tu perdais de l’eau et j’en ai tiré parti. J’ai planté des semences de fleur de ton côté et tu les as arrosées au quotidien. Grâce à toi j’ai pu cueillir de magnifiques fleurs. Autrement, je n’aurais jamais pu en trouver dans ce désert. »

En bas du lien Guillaume ajouta  « N’oublie jamais : tu es une jarre cassée. Au lieu de te focaliser sur ce défaut, fais-en un outil pour rendre le monde plus beau ».

 De la jarre brisée à la jarre fêlée

Touchée, l’idée d’être une jarre a fait son chemin dans mon esprit. Je me suis assimilée à ce récipient défectueux. Après tout, c’est ce que je suis, une sorte de réservoir troué. Plus tard, pour colmater certaines brèches et diminuer les fuites j’ai utilisé plusieurs outils parmi lesquels l’autodérision. J’ai appris à être fêlée pour laisser passer de la lumière quand je broyais du noir. J’ai appris à rire de moi, de ces 4 roues, de cette moelle traumatisée et des bobos d’handicapés qui vont avec.

Après quoi l’adjectif « cassé » m’est paru un peu trop grand et aujourd’hui bien trop grand. Alors j’ai cessé de me voir comme une jarre cassée, mais comme une amphore fêlée. Paraît que les amphores ne sont présentes que dans les palais et pas accessibles à tous. Pour cela, je me vois aujourd’hui comme une jarre fêlée qui suinte assez pour arroser des fleurs sur son chemin tout en gardant du contenu et je vous vois comme des porteurs, mes porteurs. Des porteurs qui me mènent où le fauteuil ne peut pas, où ma déficience me rattrape.

Cette jarre se met aujourd’hui en vitrine à travers ce bloghttps://lajarrefelee.wordpress.com/2017/09/13/la-jarre-felee/. Comme une bouteille à la mer, j’espère qu’il sera la réponse d’une bouteille à la mer de quelqu’un qui quelque part cherche des réponses. Bref ! Je suis une JARRE FÊLÉE.